Le cauchemar des droits d’auteur du « I Have a Dream » de Martin Luther King

 

Le cauchemar des droits d’auteur du « I Have a Dream » de Martin Luther King

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Bo Hughins - CC by-saTout le monde connaît le fameux discours « I Have a Dream » de Martin Luther King[1], datant de 1963 et considéré comme l’un des plus marquants du siècle dernier. Un discours fort et épique, un discours épris de liberté. Et pourtant…

Entre temps, la Sorcière Copyright est passée par là et cela fait mal au cœur de constater que l’on peut ainsi s’approprier notre Histoire commune plus de 48 ans après les faits.

Je fais un autre rêve moi ce soir…

Sinon rendez-vous en 2038 pour la libération du discours, à moins que l’on ait encore d’ici là rallongé la limite des ayants droits !

PS : On trouve quand même la vidéo sur Dailymotion, mais à la lecture de l’article ci-dessous, je doute que ce soit bien légal.

« I Have a Dream » ou le cauchemar des droits d’auteur

The Copyright Nightmare of “I Have a Dream”

Alex Pasternack – 29 août 2011 – MotherBoard
(Traduction Framalang : Julien, Slystone, Pandark et Gilles)

Si vous n’étiez pas né pour être présent lors du discours de Martin Luther King « Je fais un rêve » au Washington Mall, il y a 48 ans cette semaine, vous pourriez tenter d’aller sur le bon vieux YouTube et de le rechercher. Mais vous ne le trouverez ni ici ni nulle part ailleurs ; les droits d’utilisation en sont réservés à King et à sa famille.

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Typiquement, un discours diffusé à un large public à la radio et à la télévision (et considéré comme ayant joué un rôle dans les changements politiques et classé comme le discours le plus important dans l’histoire américaine du XXe siècle) semblerait être un candidat de premier choix pour le domaine public. Mais le dilemme des droits d’auteurs a commencé en décembre 1963, lorsque King a attaqué en justice les sociétés Mister Maestro, Inc. et Twentieth Century Fox Records pour arrêter la vente non autorisée d’enregistrements du discours de 17 minutes.

Puis, en 1999, dans l’affaire héritiers de Martin Luther King, Jr. contre CBS, Inc., un juge a établi que le discours était une représentation distribuée aux médias d’information et non au public, en faisant une « publication restreinte » en opposition à une « publication générale ». Cela signifie que le discours, tout comme les autres « représentations » sur CBS, n’était pas dans le domaine public. Ce qui signifie également que les héritiers de King pouvaient prétendre détenir les droits d’auteur et avaient qualité pour poursuivre CBS, qui avait utilisé un extrait du discours dans un documentaire de 1994 intitulé « Le XXe siècle avec Mike Wallace ».

Cette revendication avait déjà été faite. En 1994, le quotidien USA Today a payé aux héritiers de King 10 000 $ en frais d’avocats et de justice en plus d’un montant de 1 700 $ de frais de licence après avoir publié le discours complet sans autorisation ; les héritiers ont également poursuivi le producteur de documentaires Henry Hampton, l’accusant d’utilisation non autorisée de l’image et des paroles du Dr King dans la série télévisée culte de 1987 « Eyes on the Prize ».

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Martin Luther King vs Fox

Illustration : « Martin Luther King, Jr. contre Mister Maestro, Inc. et Twentieth Century-Fox Record Company », première page.

Un autre élément crucial dans la réclamation de droit d’auteur lors de la succession : alors que King lui-même a revendiqué son droit d’auteur sur le discours un mois après sa prestation, sa demande a été considérée comme valide car aucune copie « concrète » du discours n’avait été distribuée auparavant (la décision était basée sur la loi pour le droit d’auteur précédente, datant de 1909, et non la loi de 1975 appliquée aujourd’hui).

Et pourtant, en raison d’un arrangement à l’amiable passé entre CBS et la famille en dehors du tribunal pour un montant non divulgué, la loi ne s’est jamais intéressée au problème du droit d’auteur sur le discours. Aujourd’hui, la version audio du discours peut être difficile à obtenir, et une version non abrégée de la vidéo est introuvable dans la mémoire culturelle du catalogue de Youtube (cf cette vidéo pour démonstration). Des extraits du discours peuvent toujours être utilisés dans des conditions de fair use bien sûr, comme cela a été le cas avec cette analyse de la rhétorique du discours de King, mais personne ne connaît les limites de cette exception, du moins pas avant qu’ils ne reçoivent une lettre des avocats de la famille de King. Le même principe vaut, par exemple, pour les papiers de Richard Nixon, que sa famille a vendus au gouvernement pour 18 millions de dollars.

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Joseph Beck, un expert dans le domaine de la propriété intellectuelle mais aussi avocat de la famille King qui s’est retrouvée sans beaucoup de ressources après la mort de Martin Luther King, affirmait au journal Washington Post en 2006 : « La famille de King a toujours défendu un accès au discours et à la vidéo dans des objectifs d’éducation et encourage les personnes intéressées à contacter le King Center à Atlanta. »

Sur le site de la famille, des enregistrements vidéo et audio peuvent être achetées pour $10. La famille contrôle le droit d’auteur du discours pour une durée de 70 ans après la mort de King, jusqu’en 2038.

Jusque là, vous aurez sans doute moins de difficultés à trouver la version d’ABBA de « I Have a Dream » que celle du King.

Notes

[1] Crédit photo : Bo Hughins (Creative Commons By-Sa)

Article proposé par framablog sous licence Creative Commons By-Sa

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