Extrait du livre La bataille Hadopi : La neutralité du réseau de Benjamin Bayart

 

Extrait du livre La bataille Hadopi : La neutralité du réseau de Benjamin Bayart

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La bataille Hadopi - InLibroVeritas - CC by-sa et Art Libre« La bataille d’Hadopi n’a été, finalement, qu’une des batailles, ni la première, ni la dernière, de la guerre qui vise à obtenir ou maintenir la liberté d’expression sur les réseaux, et donc qui vise à consacrer le principe de la neutralité du réseau. C’est la première grande guerre des enjeux politiques du 21e siècle. »

Ainsi s’achève ce très intéressant article de Benjamin Bayart pioché dans le non moins intéressant livre chorale d’InLibroVeritas La bataille Hadopi (et ses 40 auteurs).

Benjamin Bayart, c’est le président de French Data Network (FDN). C’est aussi l’homme de la désormais célèbre expression du « Minitel 2.0 » et de la citation suivante qui prend le même chemin : « l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire ».

Mais c’est surtout un « expert des libertés numériques » (dixit Nicolas Dupont-Aignan) et certainement l’un des meilleurs d’entre nous lorsqu’il s’agit d’exposer et d’expliquer ce sujet à la fois simple (à comprendre) et complexe (à défendre) qu’est la Neutralité du Net.

C’est pourquoi cet article synthèse, au style plaisant malgré la rugosité du propos, nous semble important à lire et à faire lire.

PS : Vous trouvez l’article trop long pour un blog ? C’est peut-être parce qu’Internet vous a rendu idiot ! Mais nous avons une solution : commander le livre, qui vous fera découvrir 39 autres articles du même acabit, dont les bénéfices iront intégralement à La Quadrature du Net.

La neutralité du réseau

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Benjamin Bayart – Octobre 2009 – La Bataille Hadopi (InLibroVeritas)
Licence Creative Commons By-Sa et Licence Art Libre

La bataille d’Hadopi, telle que nous l’avons connue à l’Assemblée Nationale et dans les médias a eu plusieurs vertus. La première, longuement expliquée déjà, est d’avoir amené à la politique toute une population, appelée « les Internautes » pour faire simple, qui ne s’en préoccupait pas vraiment avant.

La seconde vertu de la bataille d’Hadopi, c’est d’avoir permis de bien mettre
en avant ce qui est, au fond, l’enjeu central de tous ces sujets, à savoir non pas la
rémunération des artistes, auteurs et troubadours, mais la neutralité du réseau
et ses enjeux.

En effet, quand le Conseil Constitutionnel a eu à connaître de ce texte,
finalement bébêtte, qui menaçait de couper d’Internet les enfants qui téléchargent
comme nos parents nous privaient de télé, il le censura. Et pas sur de l’argutie
légère ou sur un point de détail, non, sur du fondamental, sur du lourd, du très
lourd : présomption d’innocence et liberté d’expression. Deux des piliers des
Droits de l’Homme depuis 1789.

Comment cette loi supposée traiter un problème assez léger a pu se cogner dans des problèmes aussi lourds ?

Internet – liberté fondamentale

Pour expliquer ça, il faut revenir un peu en arrière, et essayer de comprendre
ce qu’est Internet, et son influence sur la marche du monde. Internet est, en
beaucoup de points, comparable à l’imprimerie. D’abord par sa nature, c’est
un moyen de diffusion de la connaissance, et d’accès à celle-ci. Ensuite, par ses
conséquences. L’invention de l’imprimerie, et son lent développement, à partir
de 1445, ne peut pas être séparée des évolutions majeures de l’époque. Pas de
renaissance et de démarche scientifique sans moyen moderne de diffusion des
connaissances. On ne peut pas séparer la renaissance du renouveau philosophique,
et en particulier de la philosophie des Lumières, donc des révolutions
démocratiques. De même que tout le progrès scientifique et technique du dix-
neuvième siècle est impensable sans les avancées fondamentales de la renaissance
et la naissance de la démarche scientifique.

Ce n’est pas l’imprimerie qui a fait ça. On peut toujours lancer des petits
caractères en plomb sur les soldats, ça ne renverse pas les gouvernements. Mais
l’imprimerie était une étape nécessaire, pour permettre ces évolutions et ces
changements, il fallait un moyen moderne et rapide de diffuser et de conserver
le savoir pour qu’il puisse s’accroître.

De la même manière, Internet change très en profondeur la façon dont se
diffuse, et donc la façon dont se crée, le savoir. Une bonne façon de résumer ça
est de dire que l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire.

On a déjà dit cent fois qu’Internet met à la disposition de tous, et sans coût
notable, modulo quelques barrières pénibles, la totalité du savoir de l’humanité,
c’est facile à comprendre. On a moins souvent dit, parce que c’est moins clair
pour un esprit formé au siècle dernier, qu’Internet permet à chacun de construire
le savoir de l’humanité, c’est-à-dire d’écrire.

Bien entendu, chacun sait qu’Internet n’est pas qu’un lieu d’échanges savants
entre érudits. Forcément. L’imprimerie ne sert-elle qu’à imprimer des ouvrages
savants ? Pour un livre « intelligent », combient sont imprimés de prospectus,
de tracts, de catalogues, de correspondances sans intérêts (factures, relevés, avis,
et autre paperasses) ? Et bien Internet suit la même pente. Fondamentalement,
il a été créé pour diffuser et produire de la connaissance scientifique à grande
échelle et rapidement, mais il était évident depuis le premier jour qu’il servirait
aussi à diffuser et produire tout le reste de ce qu’on peut vouloir diffuser ou
produire comme information.

Cependant, bien que l’imprimerie soit en majorité utilisée à des fins futiles,
il ne vient à l’idée de personne de remettre en cause la liberté de la presse. Il
y a là une logique, l’outil technique a apporté une avancée pour la société, et
c’est pour défendre l’avancée qu’on défend l’outil. D’une manière similaire,
Internet crée une percée importante, un changement profond, même si une
partie colossale du trafic sur le réseau correspond à autre chose.

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Un argument souvent opposé à cette vision du réseau est d’expliquer que les
discussions y sont trop souvent d’un faible niveau, qualifiées de discussions de
café du commerce. Là encore, c’est une analyse à courte vue. D’abord parce
que la forme d’expression permise par le café du commerce ne permet pas de
construire de vrais argumentaires : on est dans l’oral, dans le périssable, et dans
le débat privé, donc sans argumentation extérieure possible. Ce qu’Internet crée
comme débat est structurellement différent. Les débats sur la place publique,
le plus souvent par écrit, permettent aux points de vues de se confronter, de
s’invalider, ou au contraire de se renforcer, de s’étayer. De tout cela, il ressort une
espèce de discussion du café du commerce dont on consignerait les arguments par
écrit, pour les étudier, les rendre publics, bref, pour en faire une vraie réflexion.
Au final, c’est plus proche des débats publics, qu’on connaît depuis longtemps,
mais qui ne sont plus réservés à de petits groupes.

De tout celà, une idée forte est à retenir : Internet est l’avancée technique qui
a permis, enfin, l’exercice réel de la liberté d’expression. La presse, on s’en
rend compte avec le recul, ne fournissant au fond que la liberté d’accéder à
l’information. Et c’est bien sur cette base-là que la Conseil Constitutionnel
a censuré l’Hadopi, c’est bien en se référant à l’article 11 de la Déclaration
Universelles des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, à savoir :

Art. 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

On a donc, validé par le Conseil Constitutionnel, cette première étape de
marquée : Internet est essentiel à l’exercice de la liberté d’expression, qui est
une liberté fondamentale.

Hadopi – Besoin d’un juge

C’est le premier point, immense, gagné dans la bataille d’Hadopi. Maintenant,
ce n’est plus une renvendication, ce n’est plus un point de vue de visionnaire
maniaque du réseau ou de futurologue échevelé, c’est une décision, forte, d’une
autorité qu’on ne peut pas soupçonner de travailler avec légèreté, ou de se laisser
emporter par sa technophilie. Or, de ce point fondamental qui vient d’être édicté
par le Conseil, il découle des conséquences inattendues et fortes, pour ceux qui
pensaient priver les gens d’Internet comme on prive un enfant de télévision ou
de dessert.

En effet, priver un citoyen d’une liberté fondamentale, ce n’est pas une décision
qui se prend à la légère. Il y a des cas, prévus, connus, codifiés, mais ce sont des
sanctions lourdes, pour des délits ou des crimes graves. L’exemple le plus connu,
et pratiquement le seul, est l’emprisonnement ou l’assignation à résidence[1]. Une
telle mesure de privation de liberté ne peut être décidée que par un juge, et dans
le cadre d’une procédure contraignante.
Ce qu’on apprend donc, toujours en lisant la même décision du Conseil, couper
l’accès Internet d’un citoyen, c’est aussi sérieux que de l’envoyer en prison, et ne
peut donc pas se faire dans n’importe quelles conditions. On est maintenant bien
loin de la petite loi simpliste, pensée trop vite par des gens qui ne comprennent
plus le monde qui les entoure.

De là, bien entendu, les autres conséquences qu’en tire le Conseil dans sa
décision, à savoir que la présomption d’innocence est de mise, qu’il faudra des
preuves de la matérialité des faits pour condamner, que le juge sera requis, que
le mouchard filtrant obligatoire pour pouvoir se disculper n’est pas valable dans
ce contexte, bref, tout l’édifice Hadopi s’effondre.

Neutralité du réseau

Un point n’est pas abordé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision, et
pourtant il est important pour comprendre là où on va, c’est celui de la nécessité
de la neutralité du réseau.

Pour aborder ce sujet-là, il faudrait faire un peu de technique, expliquer avec
quelques termes barbares des notions affreuses, comme l’analyse de traffic,
l’analyse protocolaire, l’analyse de contenu, l’analyse de comportement, et le
tout dans un beau jargon anglais. Pour éviter cela, on va se contenter d’une
définition intuitive et pratique : on dit que le réseau est neutre si on sait qu’on
peut lui faire confiance pour ne pas altérer le message. C’est le cas par exemple
du réseau utilisé pour les discussions orales : quand on parle, de vive voix, en
face à face, on sait que l’air qui nous sépare ne modifie pas les propos, que ce qui
est dit est vraiment dit. Qu’il vienne se glisser dans la discussion un interprète,
et alors, forcément, la question de confiance se pose.

L’intermédiaire, dans cet échange, n’est acceptable que si les deux interlocuteurs
lui font une confiance entière et absolue. à tel point que, lorsqu’on n’a pas
confiance en l’interprète, chacun vient avec le sien. On dit alors que le réseau
est neutre quand il joue le rôle d’un interprète idéal, réussissant à transporter le
message sans l’altérer en rien, sans le déformer.

Une autre façon de le dire, c’est de considérer ce qu’est Internet. D’où que
je sois sur le réseau, je vois Internet. Si l’Internet que je vois depuis un point A
n’est pas le même que l’Internet que je vois depuis un point B, alors, quelque
part, quelque chose n’est pas neutre. Par exemple, quand un site est filtré dans
un pays, c’est une atteinte à la neutralité du réseau : depuis ce pays-là, le site
ne marche pas, et curieusement depuis partout ailleurs il marche bien. Par
exemple, quand un site est enrichi : je peux mettre en place, sur le réseau de
mon entreprise, un mécanisme qui fait qu’à chaque fois que j’accède à tel site de
mon fournisseur habituel, il soit affiché des informations annexes (dernière fois
qu’on a commandé tel produit, quantité disponible en stock, etc). Quelqu’un
qui viendra se connecter à ce réseau verra un site qui n’est pas le même que celui
qu’il voit quand il se connecte depuis chez lui : mon réseau n’est plus neutre, il
fausse la communication, il ajoute des informations qui n’existent pas.

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La neutralité des réseaux est importante. En fait, autant que le réseau lui
même. C’est presque sa définition. Internet n’est que l’accord d’interconnexion,
techniquement neutre, entre les réseaux de plus de 40.000 opérateurs sur la
planète. Supprimez cette neutralité, et ce n’est plus Internet.

Il ne faut pas se méprendre, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas, jamais, enrichir
ou filtrer, simplement, que ce n’est pas le réseau qui doit le faire, et que si un
réseau fait ça, ce n’est plus Internet.

Pour reprendre les exemples précédents, le service, fort utile, imaginé sur ce
réseau d’entreprise, n’est pas en soi une mauvaise chose. Simplement, ce réseau
d’entreprise n’est plus Internet. C’est un réseau d’entreprise, un outil interne,
comme le logiciel de comptabilité ou l’outil pour faire les devis.

Il y a donc deux éléments fondamentaux pour définir la neutralité du réseau :
le premier est que jamais le réseau lui-même ne doit altérer en rien le contenu,
le second est que les altérations sont nécessairement pilotées en périphérie du
réseau. Par exemple quand je filtre les mails publicitaires (les spams), c’est moi
qui ai la maîtrise de ces filtres, je peux les activer ou les désactiver, selon mon bon
vouloir. Et ce point-là est fondamental, c’est moi qui trie le courrier intéressant
du courrier inutile, pas le facteur.

Pilier des libertés

La neutralité du réseau n’est pas, en elle-même, une liberté fondamentale.
Mais c’est un élément important, parce que sur cette neutralité sont adossées
des libertés.

Par exemple la liberté d’expression évoquée par le Conseil Constitutionnel,
n’a pas de sens sur un réseau qui ment : comment savoir si le texte que je suis en
train d’écrire sera bien reçu, non modifié, par mes lecteurs ? Comment savoir
s’il sera modifié, et si oui par qui ? Moi, je vois bien ce texte tel que je l’ai posté.
Tant qu’Internet est neutre, et que donc tout le monde voit le même Internet,
alors tout le monde voit mon texte tel que je l’ai publié. Sitôt que le réseau n’est
plus neutre, je n’ai aucun moyen de savoir ce que voit mon voisin. Donc, sur
un réseau non-neutre, je ne peux pas exprimer librement ma pensée, et donc
l’exercice pratique et réel de cette liberté est remis en cause.

Par exemple la liberté d’accès à l’information. En effet, tant que le réseau est
neutre, chacun peut être confiant dans ce qu’il lit sur le réseau. Non pas que
toutes les informations y soient justes (ce serait utopique comme croyance),
mais simplement de savoir que l’information qu’on reçoit est bien celle qui a été
émise. Si le réseau n’est plus neutre, comment savoir si le texte est bien le fruit
de la pensée de son auteur, ou s’il a été ‘‘ caviardé ’’ au passage par les habiles
ciseaux de la censure moderne ? Si je ne peux plus avoir confiance dans le réseau
de transport, alors je ne peux plus avoir confiance dans l’information qui est
dessus. La liberté d’accès à l’information est amputée.

Par exemple, la libre concurrence, qui est une liberté moindre en général
(la liberté de choisir son fournisseur, par exemple), peut devenir fort sérieuse
sitôt qu’on parle d’accès à l’information (choisir un quotidien par exemple,
ce n’est pas tout à fait comme choisir une marque de lessive). En effet, les
atteintes à la neutralité du réseau sont souvent le fait d’opérateurs en place,
ou de fournisseurs de services bien implantés, utilisant une position de force
pour évincer d’éventuels concurrents. Ce mode de fonctionnement n’est pas
le modèle habituel d’Internet. En effet, sur un réseau neutre, n’importe quel
abonné à Internet peut, de chez lui, proposer n’importe quel service, et peut
donc, sans permis, sans moyens financiers particuliers, sans moyens techniques
particuliers, innover et mettre en œuvre des idées nouvelles. Sur un réseau
non-neutre, ce n’est plus possible. Les modèles économiques qui découlent de
ce choix d’un réseau neutre ou non ont, entre autre conséquence, pour effet
d’empêcher l’innovation en la réservant aux acteurs en place.

Si la neutralité du réseau n’est pas une liberté en elle-même, elle est nécessaire
à pouvoir garantir d’autres libertés, tout comme la séparation et l’équilibre des
pouvoirs n’est pas une liberté en elle-même, mais une condition nécessaire.

Modèle économique

L’argument le plus souvent employé par les opposants à la neutralité des réseaux
est celui de la congestion. Internet serait trop plein, et, étant rempli, il faudrait
rationnaliser l’usage de la bande passante devenue rare. La technique habituelle
de rationalisation des ressources rares étant l’économie, on transporterait de
manière plus prioritaire les données des plus offrants, et donc on pénaliserait
les autres.

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Cet argument a pour principale caractéristique d’être faux. Sauf dans sa
causalité, en effet le réseau est très régulièrement saturé. Et ce de manière
normale et naturelle. En moins de dix ans, la France est passée, par exemple, de
zéro à plus de dix-huit millions d’accès permanents à haut débit, générant des
usages, et donc de la charge pour le réseau. Dans cette croissance très rapide,
bien entendu, il y a des phases de saturation, qui sont résorbées en investissant
sur la capacité du réseau.

Il y a deux façons de traiter une saturation du réseau, l’une qui est d’investir sur
la capacité du réseau, cet investissement devant être refait très régulièrement,
aussi longtemps que les usages continueront de croître à un rythme soutenu,
l’autre étant d’investir, très régulièrement aussi, dans des équipements
permettant de sélectionner le trafic à faire passer en priorité. Ces deux modèles
correspondent à des niveaux d’investissements similaires, simplement pas sur les
mêmes technologies.

Porter atteinte à la neutralité du réseau est donc bien, effectivement, un
moyen de résoudre une saturation du réseau, tout comme on peut résoudre une
pénurie de logements en augmentant les prix des loyers, ou en construisant des
logements. Simplement, ce moyen est dangereux, qui porte atteinte, comme on
l’a vu, aux libertés. Laisser à des opérateurs privés, à des financiers, le choix de
porter atteinte aux libertés individuelles n’est pas une option valable.

Difficultés techniques

Filtrer Internet, puisque c’est bien de cela qu’on parle, pose de grosses
difficultés techniques :

  • Que ce soit du filtrage pur (faire disparaître tel contenu), et on se retrouve alors avec des moyens qui fleurissent pour contourner le filtre. Par exemple, tel texte est interdit, il circulera le lendemain sous forme d’une image, ou d’un enregistrement audio.
  • Que ce soit de la priorisation de trafic, et là aussi les moyens de contournement fleuriront. Le trafic web est plus rapide que le trafic de partage de musique chez mon opérateur ? Dans les jours qui suivent, l’application de téléchargement ressemblera à s’y méprendre à du trafic web, pour devenir elle aussi favorisée.

Ce n’est pas nouveau, c’est le principe de l’arme et de l’armure. Plus l’arme
est puissante, plus l’armure est solide. Et, en matière de réseau et de numérique
en général, la puissance des moyens de contournement des filtres se trouve sur
les ordinateurs en périphérie du réseau (basiquement, sur mon bureau). Or il
y a beaucoup plus de puissance sur les ordinateurs individuels des utilisateurs
que sur la totalité de tous les systèmes de traitement du réseau lui-même.
Pour faire un parallèle hasardeux : que les automobilistes décident de ne plus
s’arrêter au péage, et, forcément, les barrières de péage seront explosées. Il
y a trop de voitures pour les contenir autrement qu’avec la bonne volonté des
conducteurs.

Difficulté politique

Par ailleurs, le filtrage décidé par un état, en général sous couvert de nobles
objectifs, comme par exemple de museler les terroristes, ou de protéger les
enfants, etc. pose une vraie difficulté politique.

Chaque état aura sa propre politique de filtrage, selon ses propres critères,
correspondant à sa notion de l’intérêt général. Par exemple, l’Iran et les USA
n’ont pas la même vision de ce qu’est un dangereux terroriste mettant en danger
la nation. Or le trafic, sur Internet, passe d’un opérateur à l’autre, sans faire
vraiment attention aux pays. Si chaque pays a sa propre politique de filtrage, alors
le filtrage résultant, pour l’internaute, est la somme des effets de ces politiques
sur le chemin suivi par sa communication.

Pour aboutir à un résultat cohérent, il faut donc une cohérence des filtrages.
Sans quoi, quand je veux accéder à une information interdite dans le pays A, je
m’arrange pour que ma connexion passe plutôt par un pays B qui a d’autres vues,
chose qui est techniquement assez simple, et en train de se démocratiser.
D’ailleurs, pourquoi ces techniques sont en train de se démocratiser ? Elles ont
été mises au point en général pour des usages pointus, par exemple d’accéder
aux données clefs de l’entreprise, pour le cadre dirigeant, depuis chez lui, sans
risque pour la sécurité de l’entreprise. Elles ont été raffinées pour contourner les
filtrages les plus voyants, par exemple pour accéder à de l’information y compris
quand on est en Chine. Et elles sont en train de se démocratiser… à cause de la
bataille d’Hadopi et des batailles voisines qui ont lieu dans toute l’Europe.

Le premier grand combat

Au final, tout ça nous dit quoi ? Qu’Internet est important, que ce n’est pas
un jouet, mais un pilier de la société de demain. Et qu’on ne peut pas en faire
n’importe quoi. En particulier, on ne peut pas se permettre de l’abîmer, de le
polluer, de le filtrer.

La bataille d’Hadopi n’a été, finalement, qu’une des batailles, ni la première, ni
la dernière, de la guerre qui vise à obtenir ou maintenir la liberté d’expression
sur les réseaux, et donc qui vise à consacrer le principe de la neutralité du réseau.
C’est la première grande guerre des enjeux politiques du 21e siècle.

Notes

[1] Qui portent, bien entendu, atteinte à la liberté d’aller et venir, qui est elle aussi une liberté fondamentale.

Article proposé par framablog sous licence Creative Commons By-Sa

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